2004, 200 x 100 cm, huile sur toile, prix sur demande
Nostalgie désenchantée de la révolution.
«Die Revolution ist die Maske des Todes, der Tod ist die Maske der Revolution» («La révolution est le masque de la mort, la mort est le masque de la révolution»). Il y a des années, j’ai entendu un chœur à l’antique scander cette citation sur une scène. Tirée de la pièce Le contrat de Heiner Müller, cette phrase n’a cessé de me travailler depuis lors, avant que j’en trouve une idée picturale adéquate.
J’ai conçu ce tableau sans penser à la provocation, mais en réfléchissant à l’histoire des pays touchés par la révolution comme la Pologne, ma patrie. La révolution a marqué le devenir du monde de la fin du 18ème à la fin du 20ème siècle. Elle demeure un élément de ma mémoire, même si elle semble à première vue avoir perdu de son actualité. J’ai donc tenu à l’intégrer dans ma peinture.
Il en est né un tableau assez fort, en noir, rouge et blanc, permutant têtes de mort, kalachnikov, masques tragiques et comiques. Les têtes de mort, une constante dans mon travail, se réfèrent au motif de la Vanitas, prisé notamment dans la peinture baroque (la «nature morte», genre devenu banal, en fait partie). La kalachnikov, arme emblématique, ne pouvait manquer dans une pièce faisant allusion, non sans intention critique, à la révolution. Quant aux masques, ils renvoient au théâtre et à son histoire (l’original est un authentique masque carthaginois). La légende, la citation de Heiner Müller, couronne pour ainsi dire le tout.
Cette toile n’est pas passée inaperçue lors de l’exposition à l’IDHEAP, qui a eu lieu à la fin de 2004: elle a provoqué une assez violente réaction de rejet. Un professeur a refusé d’enseigner en sa présence. La peinture a donc été déplacée, par décision salomonienne, à un endroit plus neutre et moins exposé. J’ai regretté seulement de ne pas avoir été mise au courant: à ma grande surprise, j’ai découvert le pot aux roses en accompagnant des amis à l’exposition. Vive la communication!